Alors que les femmes portent l’essentiel de la charge contraceptive, la participation des hommes reste marginale au Bénin. Entre idées reçues, poids des traditions et manque de sensibilisation, la contraception au masculin reste un terrain largement inexploré. Pourtant, les choses commencent doucement à évoluer. Enquête.
Depuis toujours, la contraception est considérée comme une affaire de femmes. Pilule, implant, stérilet, injection hormonale… La majorité des méthodes disponibles leur est destinée. Et cela semble aller de soi pour bon nombre d’hommes. « C’est à la femme de se protéger. Moi, je ne me sens pas concerné. Je veux juste qu’elle n’ait pas d’enfant sans mon accord », confie Roland, 34 ans, mécanicien à Cotonou. Comme lui, de nombreux hommes estiment que la planification familiale est l’affaire de leurs partenaires. Certains y voient même une remise en cause de leur virilité. Une enquête menée en 2023 par l’ABPF (Association Béninoise pour la Promotion de la Famille) révèle que seulement 12 % des hommes en couple utilisent régulièrement le préservatif, et que la vasectomie reste quasi inexistante dans les habitudes de planification familiale.
Le poids des tabous et de la masculinité toxique
Selon les experts en santé reproductive, cette réticence s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, le manque d’information sur les méthodes masculines, en particulier la vasectomie. « Beaucoup pensent qu’un homme vasectomisé devient impuissant ou perd sa virilité. Ce sont des mythes qui persistent », explique Dr. Emmanuel Adandé, médecin généraliste à Bohicon.Ensuite, le regard social joue un rôle important. « Un homme qui va dans un centre de planification familiale est souvent perçu comme dominé par sa femme ou suspecté d’être infidèle », ajoute le docteur. Enfin, la culture patriarcale, qui place l’homme au sommet de la hiérarchie familiale, limite l’idée même d’une responsabilité partagée en matière de sexualité.
Des hommes engagés, minoritaires mais déterminés
Heureusement, certains hommes choisissent de briser les normes et de s’impliquer activement dans la santé reproductive du couple. C’est le cas d’Arnaud, enseignant à Parakou, père de trois enfants. « Après notre dernier enfant, j’ai discuté avec ma femme. Elle avait des effets secondaires à cause des hormones. J’ai décidé de me faire vasectomiser. Je me sens plus libre, plus responsable. » Loin d’être isolé, Arnaud fait partie d’un réseau d’hommes sensibilisés par l’ONG ABPF. Dans plusieurs localités, l’association met en place des « clubs de maris », où les hommes échangent sur la paternité responsable, le respect du consentement, et les méthodes contraceptives.
Des initiatives locales prometteuses
Outre l’ABPF, des organisations comme WILDAF-Bénin, EngenderHealth ou encore MenEngage mènent des campagnes pour promouvoir l’implication des hommes dans la santé sexuelle et reproductive. À Djougou, un programme communautaire financé par l’UNFPA a permis de former des relais masculins dans les villages pour sensibiliser les jeunes sur l’usage du préservatif, la prévention des IST et la responsabilité partagée dans les rapports sexuels. Les radios communautaires diffusent également des messages ciblant les hommes, avec des spots traduits en langues locales pour mieux faire passer le message.
Malgré ces efforts, le chemin reste long. L’absence de méthodes contraceptives masculines variées, l’insuffisance de centres de santé formés à accueillir les hommes, et surtout les stéréotypes profondément enracinés freinent l’élan. « Tant que les hommes ne seront pas intégrés de manière systématique dans les politiques de DSSR, les femmes continueront à porter seules le fardeau de la contraception », déplore Chantal Tognon, sociologue spécialisée en santé publique. Les acteurs du secteur plaident pour une approche de couple dans la planification familiale, avec des campagnes adaptées aux réalités sociales et culturelles.
L’avenir de la santé reproductive passe par une participation active des hommes. Leur implication est essentielle non seulement pour alléger la charge des femmes, mais aussi pour construire des relations plus égalitaires et responsables. Le tabou est en train de se fissurer, mais pour qu’il tombe, l’éducation, le dialogue et l’exemplarité doivent être renforcés. Parce que la contraception n’est pas qu’une affaire de femmes, c’est une responsabilité commune.
Kevin da SILVA
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